Les Dés dans l’Antiquité
L’origine
Les dés binaires (0 ou 1), encore utilisés au Soudan, en Corée…[1], sont une forme simple de dés [1, 2]. Il s’agit le plus souvent de coquilles de bivalves, des coques de fruits ou des bâtonnets à 2 faces [1, 2]. Cependant, des Bâtonnets à section carrée ont été découverts dans la tombe royale d’Ur (milieu du IIIème millénaire av. J.-C.) associé à un jeu des 20 cases [1]. Les faces montrent des valeurs identiques deux à deux. Ces dés appartiennent donc à la famille des dés binaires.
Pour jouer avec des dés binaires, il suffit de lancer ces objets et de compter le nombre de faces marquées « 1 » pour connaître le nombre de points obtenus. Si toutes les faces visibles sont celles marquées « 1 », le nombre de points obtenus est maximum [1].
Des dés à par entière apparaissent dès le IIIème millénaire (vallée de l’Indus, Pakistan, Turkménistan, Iran) : ce sont des bâtonnets à section carrée dont quatre faces sont marquées avec des points [1, 2]. Quatre faces seulement sont utilisées mais ces dés présentent au moins 2 faces avec des valeurs différentes. L’utilisation de ces dés en bâtonnet perdurera jusqu’à nos jours en Inde [1]. A partir de l’âge du fer, ces bâtonnets sont également utilisés par les Germains [1].
En fonction des civilisations, des localisations, les valeurs sur les faces varient : par exemple, 1-2-3-4 en Inde et 1-3-4-6 en Germanie [1, 2].
Les astragales de moutons, de chèvres ou de bovins (connus sous le nom d’osselet) seront utilisés comme des dés à partir de la moitié du IIème millénaire [1, 2]. Des dés de ce type ont été retrouvés en Egypte dès la XVIIème dynastie (entre 1600 et 1530 av. J.-C.) [2] ou encore dans la tombe de Toutankhamon (vers 1350 av. J.-C.) [1]. Les valeurs marquées sur les 4 faces sont différentes [1, 2].
Comme les 4 faces n’ont pas la même taille et ne sont pas planes, les dés tombent statistiquement le plus souvent sur les faces larges (8 fois sur 10) [1, 2]. Aux deux faces les plus larges, les Grecs ont attribués les valeurs 1 et 6 tandis que les deux plus étroites avaient pour valeurs 3 et 4. Cette distribution favorisait grandement les scores moyens [1, 2].
Suétone décrit dans « la vie des douze césars » la règle pratiquée par l’empereur Auguste : si la face visible d’un osselet indiquait 1 ou 6, le joueur alimentait un pot. Le joueur payait ainsi pour chaque osselet. Si le « coup de Vénus » était obtenu (tous les osselets montrent une face différente) le joueur empochait le pot [1, 2].
Dés cubiques
Les dés cubiques sont connus depuis le IIIème millénaire av. J.-C. [1, 2, 3]. Le plus ancien provient de Tepe Gawra (Iraq) [1, 2]. On en a retrouvé dans des fouilles de la vallée de l’Indus associés avec des dés en bâtonnets (dés à 4 faces). Dans ce cas, les dés cubiques ont disparu avec la civilisation homonyme alors que les bâtonnets ont survécus [1, 2] jusqu’à nous.
La distribution des valeurs sur les faces varie beaucoup [1, 2]. C’est seulement à l’époque romaine que la somme des faces opposées sera systématiquement égale à 7 [1, 2]. Par ailleurs, avec la Rome antique, les formes de dés héritées des Etrusques et des Gaulois ont quasiment disparu [1, 3]. On notera cependant l’existence anecdotique de quelques dés, comme ceux en retrouvés à Autun, ou les valeurs de chaque faces sont remplacées par des mots. Le nombre de lettres du mot est égal à la valeur de la face. [1, 3]. Les mots inscrits sur chacune des faces sont les suivants :
I – VA – EST – ORTI - CAIVS – VOLOTE
I – VA – EST – ORTI - VRBIS – ITALIA
Les jeux de dés semblent essentiellement pratiqués par les adultes même si des preuves récentes indiqueraient que les enfants s’y adonnaient [4]. Pourtant, les règles dans les sources gréco-romaines nous sont pratiquement inconnues [2, 3 et 4]. Il s’agit le plus souvent de faire un meilleur lancé avec 3 dés que son adversaire [2, 3 et 4]. Il faut faire 3 x 6, c’est le dexter senio ou tris hex et éviter les chiens (3 x 1) [2, 3 et 4]. A travers Suétone qui cite l’empereur Claude et son De arte Aleae, les auteurs actuels pensent que des règles plus sophistiquées ont été pratiquées [2, 3 et 4]. Ces règles s’apparenteraient au craps ou à réaliser des combinaisons [2, 3 et 4].
[1] U. Schädler (Editeur), Jeux de l’Humanité, 5000 ans d’histoire culturelle des jeux de société, éditions Slatkine, Genève, 2007, p.9-19.
[2] Ouvrage Collectif, Art du jeu, jeu dans l’art de Babylone à l’occident médiéval, catalogue de l’exposition, éditions de la réunion des musées nationaux, Grand Palais, Paris, 2012, p.92-99.
[3] M. Feugère, Archéothéma n°31, Jeux et jouets gréco-romains, novembre-décembre 2013, p.44-45
[4] U. Schädler, Archéothéma n°31, Jeux et jouets gréco-romains, novembre-décembre 2013, p.46